Surmonter un décès : le deuil en question(s)

Maman est morte à 65 ans d’un arrêt cardiaque. Nous avons tous été sous le choc. Les premiers jours, l’accompagnement de notre conseiller PFM Berthelot a été d’une aide précieuse. La cérémonie passée, c’est auprès de mon grand-père que j’ai trouvé les réponses à mes questions sur le deuil et sur le chemin qu’il me faudrait parcourir pour surmonter ma souffrance. Je vous rapporte ici ses paroles empreintes de sagesse et d’expérience qui ont plus de valeur que mille articles de blog. J’espère qu’elles feront sens aussi pour vous.

Faire son deuil : une expression maladroite.

Mon grand-père Etienne est né en 1937. Il vit seul à Cambremer dans une grande maison, celle où il a élevé ses filles et passé 60 ans auprès de sa femme. « J’ai horreur de l’expression faire son deuil ! Tu crois que quand on a vécu toute sa vie avec une personne, élevé des enfants, partagé le meilleur et le pire, jusqu’aux soins palliatifs, on se dit bon ça y est, je l’ai enterrée, zou on passe à autre chose ? Quelle mauvaise blague ! Accepter la mort d’un proche c’est tout sauf l’oublier. »

C’est vrai que dans la phrase “faire son deuil ”on a l’impression qu’une fois que c’est fait, tout est terminé. C’est faux, c’est une cicatrice qu’on garde, plus ou moins visible, une marque avec laquelle on vit, qui fait notre histoire. Il faudrait plutôt la proscrire pour utiliser “vivre son deuil”. En effet, il s’agit de trouver un chemin de vie qui mènera, après de nombreuses étapes, à la paix intérieure et à l’évocation joyeuse.

Vivre son deuil : un processus complexe qui prend du temps.

Mon frère Thomas qui habite en Australie, m’a offert un livre qui énumère les étapes d’un deuil. En fait, ces étapes valent pour tous les traumatismes, le deuil étant le plus fort. Pour autant une rupture amoureuse, un licenciement peuvent créer les mêmes effets et plonger les personnes dans une détresse équivalente. Les psychologues ont décrit sept étapes de deuil que je vous livre ici. Les quatre premières sont les phases qui s’apparentent à la déprime, les trois autres celle qui conduisent à l’acceptation et au retour à une vie “normale” :

1. Le choc : période courte de sidération
2. Le déni : refus de croire au décès, rejet de l’information
3. La colère et le marchandage : blâmer les autres, prendre ses distances
4. La douleur et la tristesse : déprime ou dépression, remise en question
5. La résignation : abandon, pas de projection vers le futur mais vie au jour le jour
6. L’acceptation : on peut enfin faire le point et se projeter
7. La reconstruction : réorganisation de sa vie, faire face aux conséquences du décès

Nous en avons parlé avec mon grand-père qui trouvait ces étapes trop raisonnées et systématiques. Pour lui, chaque décès et chaque rapport à la mort est particulier. Le départ d’un père ne signifiera pas la même chose selon que vous êtes l’aîné ou la petite dernière, sa fille ou son fils, le préféré ou non… “Famille je vous hais” écrivait Gide dans son roman Les Nourritures terrestres. Derrière les murs et les souvenirs des maisons de famille, la tristesse et le vide laissés diffèrent selon notre place.

La perte d’un enfant : l’impossible deuil.

« Perdre sa fille quand on est parent n’est pas dans l’ordre des choses. Sincèrement je ne suis pas en colère, je ne vais pas marchander avec son accident cardiaque. Je me rassure en me disant qu’heureusement maman n’est plus là pour voir ça. Tu vois Alice, on fait comme on peut. C’est aussi comme cela qu’on essaie d’avancer. Depuis 20 ans, j’assiste à plusieurs enterrements par an, la mort est inéluctable, on s’y fait. Celle d’un enfant, jamais. »

Il m’a alors parlé de cet ami qui avait perdu son fils de 18 ans dans un accident de la circulation. Comment la famille en avait souffert, comment la mémoire de cet enfant avait dominé leur vie, pesé sur les autres enfants. Heureusement, les parents avaient demandé à être suivis par un psychologue avant de s’investir dans une association de lutte contre la violence routière. Ils avaient ainsi pu redonner un sens à leur vie, en permettant à la mort de leur fils d’en sauver d’autres.

Se faire aider ? Une très bonne idée.

Pour autant pas besoin de vivre un deuil aussi dramatique pour se faire accompagner par un professionnel de santé. Mon grand-père m’a d’ailleurs rappelé que j’avais été suivie par un psy quand j’étais petite, à la mort de mon papa. Chose que j’avais totalement oubliée…

« Tu ne t’en souviens pas ? Les enfants semblent souvent moins affectés mais c’est faux, il faut faire très attention, ne rien leur cacher, leur dire la vérité, leur expliquer. Tu devrais peut-être te faire aider pour parler de tout cela à quelqu’un qui n’a pas 87 ans, non ? » m’a suggéré mon grand-père en souriant. Je l’ai écouté et j’ai pris rendez-vous la semaine suivante avec une psychologue pour me faire accompagner. J’irai le temps qu’il faudra.

D'ailleurs, j'en profite pour vous partager une liste d'associations que j'ai trouvé lors de mes recherches :

L’importance du cérémonial.

Ensemble, nous avons également évoqué les traditions liées au décès des proches. Il m’a rappelé qu’autrefois, on veillait les morts, on les prenait en photo, on faisait même leur masque mortuaire. « Tu sais que ma grand-mère a porté deux ans le deuil de mon grand-père ? Habillée en noir deux longues années ? Autres mœurs, autre époque. Ça ne se fait plus mais c’était très courant et certainement une façon de montrer son deuil à tous pour obtenir de la sollicitude et ne pas oublier le défunt…»

Aujourd’hui, les funérailles continuent de jouer ce rôle très important de passage d’un monde à l’autre. Notre conseiller PFM Berthelot nous a bien expliqué leur importance. Le temps du recueillement entouré des amis et de la famille a été un moment fort et mémorable.

Inventer ses propres rituels

À la fin de ce week-end normand, je me sentais mieux. Avec Étienne, nous avons décidé d’appeler ma tante et mon frère en visio pour mettre en place un rituel qui aurait fait plaisir à ma maman, choriste et musicienne. Nous avons décidé de nous retrouver par la pensée, où que nous soyons dans le monde, le jour anniversaire de son décès, pour écouter une cantate de Bach, sa préférée : Ich freue mich auf meinen Tod qui veut dire en français Je me réjouis de ma mort !

Merci grand-père pour ton écoute et ta force, ta sagesse et ton humour. Grâce à toi, je peux maintenant ajouter une huitième étape au processus de deuil : la détermination.

Célébrer, en l’honneur de nos défunts et le plus souvent possible, la beauté de la vie !

Publié le 22 février 2024